V13, Chronique judiciaire

Emmanuel Carrère

P.O.L.

  • Conseillé par (Libraire)
    24 août 2022

    Conseillé par Guillaume

    "Il n'est jamais aussi bon que lorsqu'il ne parle pas de lui !"
    Voici mon sentiment à propos d'Emmanuel Carrère.
    Et puis le sujet abordé obligeait à être prudent comme un funambule sur un fil.
    On découvre tout d'un sujet complexe, exposé à maintes reprises depuis le début des événements voici 7 ans. L'affaire est abordée de façon saine avec vocation de relater les fonctionnements de ce qui va s'étirer sur plusieurs mois. On reste dans la concision sans dérapage, excès ni ostentation. Nul besoin d'en faire trop pour créer l'émotion. Il aura suffit de raconter celle qui émane naturellement des journées qui passent dans ce tribunal.
    La sensibilité présente à chaque page, pour chaque témoignage ou description juridique nous porte plus loin que ce moment, exceptionnel et heureusement, pour nous interroger sur notre relation à notre époque et à notre place en société.
    Un texte bouleversant, empli de doutes et donc d'humanité.


  • Conseillé par
    5 janvier 2023

    procès, attentat

    Je ne suis pas fan de chroniques judiciaires, et le dernier roman de l’auteur de Yoga m’avait un peu déçue.

    Mais mon club de lecture ayant choisi cette lecture commune, je me suis lancée. Bien m’en a pris car j’ai aimé le regard du chroniqueur sur les personnes venant témoigner, sur les accusés ou les personnels de justice.

    J’ai aimé que l’une des victimes du Bataclan aie été épargnée parce qu’elle avait regardé l’un des terroriste dans les yeux. Et ce fait de regarder quelqu’un, de vraiment le regarder, peut changer le regard de l’autre sur vous.

    J’ai aimé que les victimes aient pu déposer leur souffrance au procès et que la justice fasse quelque chose. Tous ne demandaient pas des peines exemplaires, mais seulement que leur souffrance soit entendue et qu'ils puissent en faire quelque chose.

    J’ai été émue de lire que certains accusés qui comparaissaient libres soient obligés de faire des efforts démesurés pour être présents : location d’un lieu où dormir, trajet Paris-Belgique les week-end.

    J’ai aimé l’humour détaché parfois : les radicalisés se retrouvaient dans la cave d’un bar de Molenbeek pour regarder des vidéos de l’Etat islamique montrant des constructions d’écoles…

    J’ai aimé la postface du directeur adjoint de la rédaction de l’Obs pour qui l’auteur a travaillé tout au long de ce procès fleuve en rendant une fois par semaine sa chronique, chroniques reprises et améliorées dans cet ouvrage. La postface explique, entre autre, que les livres d’Emmanuel Carrère tournent pratiquement tous autour du mensonge, de l’omission, de la taqîya.

    Quelques citations :

    "La propagande, normalement, cache l’horreur. Ici, elle l’exhibe. L’Etat islamique ne dit pas : c’est la guerre, nous avons le triste devoir pour que le bien triomphe de commettre des actes terribles. Non, il revendique le sadisme. C’est sur le sadisme, sur l’exhibition du sadisme, sur l’autorisation d’être sadique qu’il compte pour convertir". (p.43)

    Citant Simone Weil : « Le mal imaginaire est romantique, romanesque, varié ; le mal réel est morne, désertique, ennuyeux. Le bien imaginaire est ennuyeux, le bien réel est toujours nouveau, merveilleux, enivrant ». (p.82)

    "… alors que les seuls respectables (pour les jihadistes) sont les identitaires d’extrême droite, parfaitement d’accord avec les jihadistes pour reconnaître la radicale incompatibilité de leurs civilisations." (p.134)

    "Le Code pénal a été inventé pour empêcher les pauvres de voler les riches et le Code civil pour permettre aux riches de voler les pauvres". (p.322)

    "On nous a donné un lieu, et du temps, tout le temps qu’il fallait pour faire quelque chose de la douleur. La transformer, la métaboliser. Et ça a marché. Ça c’est passé." (p.345)

    L’image que je retiendrai :

    celle du café des Deux palais, situé en face du palais de justice, qui accueille victimes, journalistes et personnels de justice, et dans lequel tout le monde va boire un coup, parfois en terrasse, à la bonne franquette.

    https://alexmotamots.fr/v13-chronique-judiciaire-emmanuel-carrere/