Inventées par Jean-Marie Gourio en 1985, les Brèves de comptoir sont aujourd’hui un genre littéraire à part entière que citent abondamment les meilleurs dictionnaires. Rien n’est plus simple qu’une « brève de comptoir ». Cette phrase ou ce bout de dialogue entendu dans un café et restitué sans intervention apparente de l’auteur prend toujours à la lecture une dimension insoupçonnée. Lire une « brève », c’est rire deux fois : d’abord d’un rire instinctif à l’énoncé d’une sottise ou d’une énormité, puis d’un rire étonné et complice quand on s’aperçoit qu’on s’est fait prendre et que la phrase pouvait s’entendre d’une tout autre manière.
De cette parole populaire qui coule inlassablement dans les lieux publics, Jean-Marie Gourio a cueilli les phrases qui traduisent pour lui l’essentiel des préoccupations de ses contemporains. Pendant quinze ans, accoudé au comptoir à toute heure du jour et de la nuit, il a guetté la trouvaille et l’a saisie au vol avec le geste adroit des chasseurs de papillons. À peine entendue, il l’a transcrite sans la déformer d’une virgule sur le petit carnet qu’il tient toujours enfoncé dans la poche de son gilet.
Et l’acte de création littéraire commence alors : dans ce choix instantané de la phrase proférée et dans la discipline imposée et cruelle de ne jamais en modifier l’ordonnance.
Cocasses et désopilantes, vulgaires ou poétiques, prosaïques ou oniriques, les Brèves de comptoir de Jean-Marie Gourio s’inscrivent dans la filiation des oeuvres de Raymond Queneau, de Jacques Prévert, de Marcel Aymé… de tous ceux qui ont tenu à faire entendre la parole populaire.